FreedomCe début janvier 2015 demeurera comme une cicatrice de tristesse et de colère au cœur des Hommes et Femmes de bonne volonté. Et face à la violence idéologique et son lot sanguinaire de victimes, une interrogation revient, lancinante et délétère, portée par nombre de ceux que nous croisons depuis le fatidique 7 janvier dernier : « Devant cette horreur-là, cette injustice crasse, ce drame absurde, comment peut-on rester optimiste ? Quand tout se disloque, n’y a-t-il pas là de quoi désespérer ? ».

La réponse à cette question, pour être simple, n’est pas pour autant facile. Tout comme la fatalité et le malheur ne sauraient empêcher de poursuivre la recherche du bonheur, la barbarie de quelques-uns ne saurait être opposable à la confiance dans le plus grand nombre.
Oui, une minuscule minorité agissante de fanatiques a frappé. Mais pas n’importe où ; au cœur de la liberté essentielle des Modernes, celle de l’intelligence, de la création et de l’esprit critique. Elle nous a enlevé des personnalités que nous aimions mais a aussi arraché à l’amour de leurs proches des fonctionnaires de police, des salariés sans histoires, des citoyens ordinaires qui n’avaient commis aucune offense envers quiconque, si ce n’est d’être là, ce jour-là, au plus mauvais moment.

L’optimisme, il semble essentiel de le rappeler, est avant tout une philosophie de la vie, c’est-à-dire l’affirmation lucide que puisque le Mal (sous tant de formes) sévit en ce monde, la pire des choses serait de consentir à sa prise de pouvoir.
Certes ce Mal, qu’il ait pour nom pauvreté, détresse, épidémie, pollution, violence, racisme, haine ou aujourd’hui terrorisme fait depuis toujours des ravages. Mais la caractéristique des Hommes est, depuis tout aussi longtemps, de se dresser contre lui, afin de tenter de le soumettre, que ce soit par la force – ce fut et demeurera parfois nécessaire – mais tout aussi souvent par la détermination et la persévérance, le discernement et la lucidité, et presque toujours par l’intelligence créative.

Oui, « être Charlie » a pu constituer ces derniers jours notre mot d’ordre, rappelant au monde notre refus de consentir à la prise du pouvoir terroriste sur la conscience collective.
Mais ce n’était qu’un premier pas. Car il s’agit bien aujourd’hui de « rester Charlie » et pour ce faire tenter par tous les moyens d’optimiser ce qui vient de se passer.

Les optimistes que nous sommes avons décidé de nous engager dans une vision délibérément active et positive du monde où nous vivons. Loin de toute naïveté imbécile face à l’inadmissible, rebelles par conviction à l’angélisme autant qu’au cynisme, nous pensons que pour améliorer durablement le monde, trois ingrédients citoyens sont désormais nécessaires :

• Oublier un temps nos faiblesses et nos fractures afin de capitaliser sur nos points forts et les énergies communes qui nous relient tous. La France est triste et en colère mais elle n’est pas pour autant affaiblie, désarmée ou abattue. Les grandes manifestations du dimanche 11 janvier, à Paris et dans le pays tout entier, parfois même au-delà, nous ont prouvé que cette communion des forces de l’esprit était possible, fut-ce dans l’épreuve. Voici déjà de quoi nous rendre encore plus optimistes qu’hier.

• Cesser de ruminer et râler à vide sur ce contre quoi nous ne pouvons rien et décider enfin de regarder en face nos responsabilités individuelles et collectives, en affirmant sans faiblir que face à la terreur, des solutions efficaces et positives existent et que l’intelligence et la détermination sont loin d’avoir dit leur dernier mot face aux maux du fanatisme. Voici encore de quoi nous rendre plus optimistes qu’hier.

• Enfin, avoir l’audace de nous reprendre en mains au quotidien, en acceptant par exemple de nous inspirer de ceux qui – comme la grande famille de Charlie – ont décidé (avec l’aide de leurs confrères de Libération) de continuer coûte que coûte à « être » pleinement, c’est-à-dire à écrire, critiquer, brocarder, dessiner, dénoncer, caricaturer, mais aussi rire et aimer ensemble ; en un mot, à savourer encore et toujours cette liberté d’expression menacée pour laquelle ils ont lutté, sans faiblir, et désormais au péril de leur vie. Face au spectacle de cet optimisme-là, comment ne pas se sentir impatients de leur emboîter le pas ? Non seulement nous le leur devons en pensant à aujourd’hui, mais nous le devons à nous-mêmes en pensant à demain.

Optimistement vôtre,

Pour la Ligue des Optimistes de France :
France Roque, Présidente
Philippe Gabilliet, Vice-président
Philippe Détrie, Vice-président
Yves de Montbron, Secrétaire national