Le pessimisme en action : On t’appelle quand on est bien arrivés !

– Mais oui Maman, ne t’inquiète pas comme ça… promis, on t’appelle quand on est bien arrivés.

En cette veille de rentrée scolaire, Jean-Pierre, Sylvie et leurs trois enfants prennent la route.
Chargés comme des baudets avec chien, valises, vélo et planches de surf, ne manque plus que le filet à papillons.
900 kilomètres les attendent, par 30 degrés à l’ombre, cela promet.
C’est l’heure de partir.
Derniers bisous.

– Ne t’inquiète pas Maman dit Jean-Pierre.
– Ne pleure pas Mamie, je t’appellerai pour te dire qu’on est bien arrivés souffle Oscar, 9 ans, dans l’oreille de sa grand-mère.

– Oui, lui répond Danielle, avec mes mauvais yeux je ne vois rien sur mon petit téléphone et je mélange tous les boutons, tu sais, je suis vieille, je ne peux pas t’appeler mais toi tu le peux. Allez mon chéri, bonne route j’attends ton coup de fil ce soir sans faute. Promis hein ?

– Promis, Mamie !

La voiture passe le portail du jardin, tourne à gauche et s’éloigne sur la route tandis que Danielle, 80 ans, agite son bras en signe d’adieu tout en essuyant ses larmes.

Pour elle commence une journée doublement douloureuse : son fils et sa famille la quittent pour plusieurs mois et de plus… ils voyagent.
Aahhh ces voyages, Danielle les aime et les déteste à la fois tant ils lui apportent la joie de retrouver ses proches et l’inquiétude de les savoir sur une route hostile, celle de tous les dangers.

Alors Danielle s’inquiète.
Un peu, beaucoup, énormément, jusqu’à ce que l’équipage arrive à bon port.
Et s’il faisait 1 000 déplacements elle s’inquièterait 1 000 fois.

Pourtant Danielle a travaillé le sujet.
Elle connaît comme sa poche le parcours et les temps de passage de Jean-Pierre : 1 heure pour rejoindre l’autoroute, 2h30 c’est l’arrêt pipi, 3h45 avant la pause déjeuner, 5h10 pour prendre de l’essence (et séparer Oscar et Clémentine qui ne cessent de se chamailler), etc.

Pistant la voiture mieux qu’un drone de dernière génération, Danielle sait que Sylvie met la clé dans la porte de l’appartement entre 20h15 et 20h25, que deux minutes suffisent à Oscar pour se précipiter sur le téléphone : allo Mamie, c’est Oscar, je voulais te dire, on est bien arrivés.

Ouf… enfin, Danielle peut respirer et commencer à vivre cette journée à l’heure où le soleil va se coucher.

Mais aujourd’hui, rien ne se passe comme prévu.

21h : Rien, pas de nouvelles, le téléphone est muet comme une carpe.
Danielle, fatiguée d’avoir virtuellement suivi la progression de l’équipage depuis le matin, s’inquiète : mais que font-ils, ils devraient être arrivés depuis au moins 35 minutes ?!

21h10 : Une fois de plus, elle refait ses pointages et décide, vu l’affluence sur la route, de se donner de l’air en comptant large : plus 10 minutes pour rejoindre l’autoroute, plus 5 pour l’arrêt pipi, plus 10 pour ravitailler et, tel un Casque bleu, s’interposer entre Oscar et Clémentine pour obtenir un cessez-le-feu, etc.

Or rien n’y fait.
Même en se donnant de la marge, les chiffres sont les chiffres, Jean-Pierre devrait être arrivé depuis au moins 20 bonnes minutes !

Conclusion : il s’est passé quelque chose…

21h20 : La machine à penser s’emballe.
D’abord Danielle imagine une classique crevaison.
Hypothèse qui rapidement se dégonfle.

21h25 : L’incident pneu se transforme en une panne moteur, plus ennuyeuse. Ne « voit-elle pas » cinq gilets jaune fluo en train de poireauter sur la bande d’arrêt d’urgence en attendant la dépanneuse ?

21h40 : Toujours pas de nouvelles. La tension monte d’un cran, vu le retard croissant des voyageurs, ils ont eu un accrochage. Danielle tourne comme un lion en cage, faisant dix pas dans un sens et dix dans l’autre, cherchant dans la chambre les lunettes qu’elle vient de poser dans le salon.
L’angoisse remplace l’inquiétude.

Comment en irait-il autrement puisque l’évidence s’impose : avec plus d’1h20 de retard et l’assourdissant silence de ce fichu téléphone, c’est clair, Jean-Pierre et sa famille ont eu… un accident.

Ne touchant pas une miette de son plateau télé, ni la compote aux fraises dont elle raffole pourtant, Danielle regarde machinalement un film sans savoir qui est amoureux de qui.

22h : La rate au court-bouillon, elle imagine la suite : Ils sont peut-être blessés… et peut-être… pire ?
Danielle ne vit plus.
D’habitude elle s’inquiète, là elle se mine.

Scène de la vie ordinaire.
Scène authentique aussi, car Danielle existe réellement.
Elle est, certes, d’un naturel inquiet mais des millions de personnes, à des degrés divers, cultivent et diffusent un incroyable réflexe pessimiste.

Du lourd, du très lourd, un réflexe qui franchit les générations aussi sûrement que Teddy Riner bat tous ses adversaires.

Car qui, en effet, n’a jamais prononcé au moins une fois cette phrase plus culte qu’une réplique d’Audiard : On t’appelle quand on est bien arrivés ?

Elle est si bienveillante qu’on l’assène sans la remettre en cause, c’est une valeur sûre, un incontournable qui s’invite depuis l’an 40 à chaque voyage d’un membre ou l’autre de la famille.

Pourtant, regardez-la de plus près :

Et voyez combien ces mots sont, en réalité, de redoutables « brise-confiance » et une inépuisable source de stress.

Au départ, ils visent à rassurer les proches, famille, amis…
Louable intention.

Or rassurer c’est éteindre une inquiétude.
Une inquiétude liée au transport et au risque qu’il engendre pour ceux qui bougent, c’està-dire tout le monde. Aucun moyen de déplacement n’y échappe : voiture, train, bateau, avion, pirogue suscitent la même question : arrivera-t-on en une seule pièce ou éparpillé façon puzzle ?

Poser la question c’est suggérer qu’il puisse en être autrement, d’où de fâcheuses conséquences pour votre bien-être et celui de vos proches.

En effet, en leur annonçant à chaque voyage que vous êtes bien rentré au bercail et en cultivant cette habitude via un certain « suspense » sur son issue, vous créez le doute dans leur esprit. Pire, vous alimentez leurs inquiétudes en laissant entendre que vous pourriez ne pas arriver sain et sauf.

Dans l’absolu ce n’est pas faux mais réalisez-vous qu’en cas de retard sur l’heure d’arrivée « prévue », les plus sensibles, comme Danielle, vont imaginer des tas de scénarii catastrophes et que les autres vont, au minimum, se soucier pendant des heures ?

Plus le coup de fil de la délivrance se fait attendre, plus le pessimisme prend le contrôle des esprits, plus il augmente le stress de ceux que vous voulez protéger et plus ils se sentent… mal.

Non seulement, l’intention généreuse de rassurer ses proches crée donc l’effet contraire mais ce réflexe pessimiste dépasse la sphère du transport en délivrant un mauvais message selon lequel les choses pourraient mal tourner. Ainsi on envisage d’abord la panne ou l’accident avant d’envisager que le voyage puisse se terminer… normalement !

Imaginez les ravages de ce principe appliqué à votre vie privée et professionnelle : Mesdames, Messieurs, quoi que vous fassiez, pensez d’abord échec, plantade, gadin, plutôt que succès et réussite.
Motivant n’est-ce pas ?

Enfin, ce pessimisme chronique génère une autre habitude contrariant votre bien-être, celle d’interpréter une situation à partir de rien, sans faits à vous mettre sous la dent et sur lesquels fonder votre avis.

En l’absence du moindre élément concret, on pense, on imagine, on interprète négativement un retard à l’arrivée, « c’est sûr il s’est passé quelque chose » et on laisse le champ libre à sa voix intérieure – Miss Catastrophe – qui se régale en soufflant mille pensées toxiques.

Adieu joie de vivre et plaisirs du voyage… quel gâchis !

Il est donc judicieux d’envoyer ce réflexe pessimiste aux oubliettes, de l’y laisser croupir jusqu’à la fin de vos jours et de le remplacer par une habitude autrement plus objective, optimiste et stimulante.

Ainsi en a réellement décidé Danielle.

À 80 ans, lassée de ces tourments à répétition, et comprenant l’enjeu, elle a pris le taureau par les cornes et s’est chaque jour félicitée du résultat obtenu, vivant enfin sereinement les voyages de sa progéniture.

Mais pour l’instant elle s’inquiète encore car…

Que devient l’équipage de Jean-Pierre ?

22h15 : Driinnggg… N’y tenant plus Danielle, fébrile, presque tremblante, décroche le téléphone.
– Mamie, c’est Oscar !
Papa me dit que tu dois t’inquiéter, excuse-nous mais… euh… c’est bon, on est bien arrivés, on est à la maison…

Dans une demi-colère, la voix chevrotante, Danielle interrompt son petit-fils :

– Mais que faisiez-vous, vous avez deux heures de retard, je suis morte d’inquiétude !
– Ben tu sais Mamie, c’est les parents, en prenant de l’essence, ils ont rencontré Tom et Julia qu’ils n’avaient pas vus depuis que j’étais tout petit, alors on a mangé ensemble et, après, tout le monde a dormi – sauf Papa bien sûr – et voilà… c’est pour ça, qu’on t’a rien dit… mais sois tranquille, maintenant tout va bien.

En plus Clémentine et moi on est réconciliés. J’adore ma sœur !

À cet instant, désolé, Jean-Pierre, prend le téléphone, propose à sa maman de la rappeler le lendemain et de voir ensemble comment relever le défi pour, enfin, mieux vivre ces voyages.

C’est ainsi qu’ils adoptent un nouveau réflexe optimiste, dont Danielle est devenue la meilleure ambassadrice.

Quel que soit le mode de transport, ON ARRIVE A BON PORT ! !

Pourquoi ?

🟧 Voyons les FAITS

En France, environ dix personnes perdent la vie chaque jour sur les routes.
On ne le dira jamais assez, c’est évidemment trop et chaque famille touchée le ressent douloureusement. Toutefois, la mortalité par accident était cinq fois plus élevée en 1972, pour un parc automobile bien moins étoffé qu’en 2024.

Le progrès est donc énorme, et même s’il reste encore à faire pour réduire les drames routiers, la vision objective des choses montre combien le nombre d’accidents reste infime en comparaison des dizaines de millions de déplacements quotidiens.

Idem pour les avions – moyen de transport le plus sûr – en 40 ans le trafic a été multiplié par dix et le nombre de décès accidentels divisé par deux. Il survient un accident mortel pour 7,3 millions de vols de passagers. (Sources ASN). Ce qui n’empêche pas la peur d’être toujours là…

Tels sont les FAITS

L’optimiste se réjouit de cette réalité incontestable et, en attendant de nouveaux progrès, s’appuie sur elle.
Ainsi, objectivement, chaque fois que Jean-Pierre embarque Sylvie et les enfants (ou l’inverse) ses chances de ne pas arriver à bon port sont bien plus petites que la plus petite des fourmis.

Pourquoi alors envisager cette si improbable hypothèse et s’empêcher de vivre sereinement un déplacement qui a 99,99% de chances de se dérouler parfaitement ?

Pourquoi créer du stress, pour soi et pour les autres, quand on peut l’éviter ?
Pourquoi s’inventer des « problèmes fantômes », c’est-à-dire des difficultés qui n’existent que dans l’imaginaire de celui qui les nourrit ?

L’optimiste opérationnel colle à la réalité comme le sparadrap au doigt du capitaine Haddock. Il ne nie pas le risque mais s’en saisit et agit pour le réduire.

C’est pourquoi, plutôt que de monter en épingle les dangers de la route et de stresser tout le monde au risque, précisément, de fragiliser le comportement de certains automobilistes, il s’assure que le conducteur est en forme, sa voiture aussi, qu’il la conduit normalement, bref, que le voyage se prépare dans les meilleures conditions.

N’est-ce pas autrement plus efficace que d’imaginer la voiture en panne, embrassant un platane ou faisant deux tonneaux ?

Devisant à bâtons rompus, Jean-Pierre et Danielle en conviennent : il n’y a décidément aucun bénéfice à s’imaginer de tels films alors que la réalité est tout autre : à chaque voyage, Jean-Pierre roule tranquillement vers sa destination, Sylvie et bébé dorment profondément et, avec une remarquable constance, Clémentine et Oscar se crêpent le chignon… tout est normal, circulez.

De même, ils conviennent que la meilleure façon d’aider les enfants à grandir sereinement n’est pas d’envisager – d’abord – que les choses tournent mal mais – d’abord – qu’elles tournent bien. Parce que, encore une fois, telle est la réalité du terrain sauf pour 10 personnes sur des millions qui se déplacent chaque jour.

De fait, cette prise de conscience a permis à Danielle de tourner le dos à des décennies de stress inutile, pour elle et pour sa famille.

En remplaçant le réflexe pessimiste On t’appelle quand on est bien arrivés par un réflexe bien plus objectif et porteur Par principe, on arrive à bon port, elle s’appuie, non sur ce qu’elle imagine mais sur ce qui EST

Et si, par extraordinaire, un appel des autorités venait un jour lui annoncer une mauvaise nouvelle, alors il serait bien assez tôt pour tomber de sa chaise.

Finalement, en raisonnant sur le 99,9 % de positif factuel versus le 0,1 % de négatif imaginaire, ce créflexe optimiste libère d’une pesante source de stress et d’inquiétudes :

– Les voyageurs qui peuvent désormais arriver à l’heure de leur choix sans s’inquiéter d’avoir à rassurer leurs proches.
– Lesdits proches qui sont moins dans l’attente du « résultat » du voyage et vivent mieux chaque minute de la journée.
– Les enfants à qui l’on épargne une peur fondée sur 0,1 % de la réalité et qui apprennent à forger leurs avis sur ce qui est, non sur ce qu’ils redoutent.
– Les enfants de ces enfants qui s’affranchiront d’une peur à la peau aussi dure que celle d’un crocodile.

Cerise sur le gâteau, l’habitude de s’inquiéter inutilement, s’affaiblit également : que du bonheur !.

Et comme l’optimiste opérationnel aime se challenger, à vous maintenant de relever ce magnifique défi.

👉Remplacez le réflexe pessimiste On t’appelle quand on est bien arrivés par celui-ci : Quand je voyage, j’arrive à bon port!

Rien à voir avec la méthode Coué dont je ne suis pas fan.

Et tout à voir avec la vérité des faits.

👉 Et maintenant, ACTION : En prévision de votre prochain déplacement, informez votre entourage des nouvelles et stimulantes règles du jeu :

– Quand on voyage, on arrive sans encombre.
– Le seul éventuel souci se limite aux embouteillages, à la bouteille d’eau renversée sur la banquette arrière ou à la traditionnelle bataille entre les enfants.
– Désormais, vous ferez un coucou à votre belle-mère, ou autre, non le jour même, mais le lendemain de votre arrivée à bon port.

Waouuhhh… pas facile ?
Tant mieux !

Se forger un optimisme opérationnel, durable, concret et qui vous propulse peut prendre un peu de temps.
Mais quel apprentissage n’en demande-t-il pas ?
Et que de bénéfices individuels et collectifs à savourer !

Allez, j’arrête là… pour aujourd’hui.
La balle est dans votre camp : Je suis très optimiste, si vous pratiquez vous y arriverez !
Comme Danielle !

Jean-Luc HUDRY
Conférencier en Optimisme Opérationnel
Auteur publié

Site : L’optimisme opérationnel (en refonte) 

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Ici le début de l’histoire… et de la conférence 

Autre article : Ca va comme un Lundi