« J’ai commencé à travailler dans les années 80.
Le contexte de l’époque était un peu anxiogène pour le jeune diplômé que j’étais : chômage et licenciements de masse, inflation galopante, désindustrialisation, etc…
Dans cet environnement un peu déprimant, un homme d’affaires ambitieux sortait du lot, rachetant des entreprises pour les remettre à flot.
Les média s’en emparèrent, parlant de lui avec un ton souvent flatteur, il s’agissait de Bernard Tapie.
Le dessous des cartes était, hélas, moins reluisant : malgré les promesses, les unités les moins rentables étaient fermées, entrainant des licenciements importants et le reste était revendu avec une confortable plus-value.
Travaillant à l’époque chez le leader de l’organisation de salons professionnels et grand publics à Paris (Foire de Paris, Equip’auto, …), je me souviens des termes guerriers qui illustraient les stratégies des entreprises : OPA hostiles, conquête, raid, opération éclair, cible, etc…
Alors, le monde du travail était-il (est-il toujours) sans pitié, parce que « c’est la loi de la jungle » ?
Cette idée n’est pas nouvelle ; Thomas Hobbes n’a-t-il pas énoncé au XVIIIème siècle que « l’Homme est un loup pour l’Homme » ?
Au CECA, lors de nos Universités Hommes-Entreprises, nous avons eu le plaisir de recevoir un des plus grands primatologues, le Hollandais Franz de Waal.
Ce chercheur qui vit en permanence avec des animaux, ne partage pas du tout l’avis de Hobbes ; pour lui, les animaux sont beaucoup plus souvent dans la coopération que dans la compétition.
Un jour, il aperçoit un oiseau qui, ne pouvant éviter une grande baie vitrée, la heurte et tombe vers le sol.
Un chimpanzé qui avait assisté à la scène, descend de son arbre, prend délicatement l’oiseau dans sa patte velue, remonte à son arbre et lance son protégé dans le vide : contre toute attente, l’oiseau, simplement étourdi, reprend son vol.
Franz de Waal raconte cet épisode (et bien d’autres, encore plus étonnants) dans L’âge de l’empathie (ed. Les Liens qui Libèrent).
Non, nous ne pouvons plus prétexter que la nature est hostile et que tous les moyens sont bons pour arriver à nos fins.
Même si l’entreprise n’est pas sans défaut, nous pouvons nous réjouir que beaucoup d’entreprises ne se préoccupent plus seulement de la recherche du profit (qui est évidemment très importante) mais aussi de la satisfaction de ses parties prenantes, salariés, fournisseurs, actionnaires…, et bien sûr de l’environnement.
Témoins de cette approche considérant à la fois la performance et l’humain, la société d’investissement RAISE, créée par Gonzague de Blignières et Clara Gaymard, où les équipes d’investissement reversent 50% de leur intéressement afin d’aider de jeunes entrepreneurs et le Mouvement pour une Economie Bienveillante (MEB) dont ils sont les fondateurs.
Cette façon de considérer les affaires redonne une place prépondérante à la qualité de la relation humaine, avec tous ceux qui interagissent avec le dirigeant.
C’est un exercice complexe, car il est à réaliser quotidiennement, dans un environnement incertain, mais c’est plutôt une bonne nouvelle, vous ne trouvez pas ? »
Christophe de La Chaise

Christophe de La Chaise est directeur du CECA, un centre de formation et de communication qui promeut la dynamique vertueuse entre performance économique durable et richesse humaine.
Depuis plus de 20 ans, il organise chaque été avec son équipe les Universités Hommes-Entreprises qui permettent des échanges de haut niveau sur les valeurs de l’entreprise, qui ont amené l’édition du livre : Acteurs d’un monde meilleur (édition Salvator, sept 2023).