En 1938, l’ordinateur le plus puissant sur terre, le Z1, inventé par l’ingénieur allemand Konrad Zuse, réalise une opération par seconde.
2017 : le TaihuLight Sunway chinois atteint 93 millions de milliards d’opérations par seconde. La puissance informatique maximale disponible sur terre a été multipliée par près de 100 millions de milliards en quatre-vingts ans. Les machines réalisant 1 milliard de milliards d’opérations par seconde sont attendues pour 2020. Certains envisagent que des ordinateurs effectuant 1 milliard de milliards de milliards d’opérations par seconde seront entre nos mains vers 2050.

La loi de Moore, théorisée par le cofondateur d’Intel, avait anticipé une croissance exponentielle de la puissance des circuits intégrés. En 1951, un transistor faisait 10 millimètres de large ; en 1971, 10 microns, soit le centième d’un millimètre ; en 2017, les fabricants sortent les premiers microprocesseurs gravés en transistors de 10 nanomètres ; donc 100.000 fois plus fins que 1 millimètre. 10.000 transistors tiendraient dans la largeur d’un cheveu.

Des exploits inconcevables hier
Cette explosion de la puissance se heurte désormais à des limites physiques: la consommation énergétique devient problématique et les transistors ne font plus que 50 atomes de large. Mais, grâce à de nouvelles techniques de gravure des transistors, grâce à l’envol de l’intelligence artificielle et, à partir de 2050, à l’ordinateur quantique, la puissance de calcul va continuer à grimper pendant encore longtemps. Il faut préciser que la loi de Moore n’était pas en elle-même une loi « physique », mais bien plutôt une prophétie autoréalisatrice : les industriels ont mobilisé d’immenses ressources pour suivre les prédictions de cette loi.

Cette puissance informatique rend possibles des exploits impensables il y a seulement vingt ans : la lecture de notre ADN, dont le coût a été divisé par 3 millions en dix ans ; le séquençage des chromosomes des fossiles des espèces disparues ; l’analyse de la trajectoire et de la composition des exoplanètes ; la compréhension de l’origine de notre univers, les voitures autonomes…

Ces progrès n’ont pas été anticipés : la plupart des spécialistes des années 1960 étaient sceptiques vis-à-vis des projections de Gordon Moore et, en 1990, la grande majorité des généticiens pensait que le séquençage intégral de nos chromosomes était impossible. Ce qui était inconcevable hier devient réalisable aujourd’hui et sera trivial demain.

Gare aux fantasmes de toute-puissance
La folle accélération technologique donne des perspectives enthousiasmantes à l’aventure humaine, et fait émerger le concept d’Homo deus : l’homme dieu. Un homme doté demain de pouvoirs quasi infinis grâce aux nanotechnologies, aux biotechnologies, à l’informatique et aux sciences cognitives (NBIC), toutes enfantées par l’incroyable progression de la puissance de calcul prédite par la loi de Moore.
L’homme devrait pouvoir réaliser ce que seuls les dieux étaient supposés pouvoir faire : créer la vie, modifier notre génome, reprogrammer notre cerveau et euthanasier la mort.

Mais notre évolution ne peut pas être pilotée par la loi de Moore. Au contraire, nous devons user avec sagesse de notre pouvoir démiurgique et, pour cela, la philosophie des sciences doit être apprise dès l’école pour éviter que nous soyons emportés par nos fantasmes de toute-puissance !

Laurent Alexandre.
Source : http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/informatique-93-millions-de-milliards-d-operations-par-seconde_1895989.html