XNielArrêtons de dire que la France est un enfer pour les créateurs d’entreprise. Bien au contraire, c’est un… paradis, martèle le patron de Free. Interview par Challenges.

Pourquoi êtes-vous si optimiste pour la France ?
D’abord parce que je suis né en France, et que je suis un peu immodestement l’exemple vivant qu’il est possible de partir de rien, et de réussir professionnellement et financièrement.

Mais au-delà de votre expérience personnelle…
Je constate que mes amis du monde entier rêvent de venir en France parce que l’on a une douceur de vivre inégalable. Ce n’est pas un hasard si nous sommes la première destination touristique alors que parfois c’est vécu comme un élément négatif.
Surtout, nous avons les meilleurs ingénieurs du monde. Des ingénieurs de qualité, à des coûts accessibles, principalement dans les nouvelles technologies. Mieux et moins cher qu’en Californie !
Tous mes amis américains dans l’univers des start-up me disent : « Mon bureau en Europe, je ne vais pas le créer à Londres, mais à Paris ! »

N’idéalisez-vous pas un peu trop ?
La réalité, c’est que nous disposons d’un environnement fiscal et administratif qui pousse à la création d’entreprise.
Nulle part ailleurs dans le monde on n’est aidé pour créer son entreprise : c’est le cas en France, où on peut continuer à pouvoir toucher ses allocations chômage pendant qu’on crée son entreprise.
Nulle part ailleurs on ne peut bénéficier d’aides de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour fonder son entreprise. Notre environnement fiscal pour la création d’entreprise est plutôt avantageux.

Au point de parler de « paradis fiscal », comme vous l’avez fait…
Pour les créateurs d’entreprise, oui ! Faites la comparaison avec la Californie, considérée comme le paradis pour créer son entreprise. Si je réalise des plus-values, au bout de huit ans, elles seront taxées entre 21 et 23% en France, quand le taux en Californie est près de 50%.
Même niveau de taxation si je veux transmettre à mes héritiers mon entreprise, alors qu’en France, avec la loi Dutreil, les taxes ne sont que de 5 à 7% ! Même sur ces éléments-là, nous sommes bons, contrairement à l’image du pays.

Alors pourquoi cette image n’est pas si bonne ?
C’est vrai, des tonnes de bêtises ont été faites, à commencer par la taxe à 75%. Même si elle n’a été que provisoire, le mal était fait, et les étrangers pensent d’ailleurs qu’elle est toujours en vigueur.
C’est vrai, la France donne l’image d’un pays avec des complexités à tous les niveaux. Un Américain va vous dire : en France, je ne peux pas licencier. C’est plus une perception que la réalité.

L’école 42 a été beaucoup célébrée. Sa création n’est-elle pas en creux la manifestation d’un échec français ?
Il y a une forme d’incompréhension : avec notre habitude d’autoflagellation, certains peuvent dire : « Ils ont fait 42 parce que l’éducation est un échec en France. » Moi, je dis le contraire : nous avons fait 42 précisément parce que le système scolaire marche, qu’il y a des méthodes de formation efficaces dans ce pays. La preuve : dans toutes les bonnes start-up du monde, vous trouverez un développeur français.

Le problème est autre : ce sont des écoles privées, qui coûtent 10.000 euros par an, et qui ne sont accessibles qu’à 20% des Français. L’idée de 42, c’est donc d’aller puiser dans les 80% qui ne peuvent pas se payer ces annuités, et d’offrir cette formation gratuitement. De nombreux dirigeants de la Silicon Valley sont venus voir 42, et ils rêvent tous d’avoir cela chez eux. Nous pouvons faire mieux que dans la Silicon Valley, même si ce n’est pas habituel de l’entendre. Arrêtons d’être complexés.

Pourquoi les Français ont-ils tant de mal à avoir confiance en leur pays ?
Ils ne voient pas les mêmes gens que moi ! La France que je connais, et dans laquelle je vis tous les jours, elle est faite de jeunes qui ont envie de se battre, de réussir, et de créer quelque chose. Il faut encourager ces jeunes. C’est pour cela que j’ai eu envie de les aider en créant en France le plus grand incubateur de start-up du monde, qui ouvrira début 2017 à la Halle Freyssinet.

Peut-être y a-t-il des jeunes qui rêvent de RSA… Mais ce ne sont pas ceux que je vois à 42.
Quand j’ai emmené Reed Hastings, le fondateur de Netflix, un dimanche soir à 42, à 23 heures, il pensait que personne ne serait là, et il a vu 800 mômes en train de bosser spontanément, volontairement. Ce fut une hallucination. Alors, il m’a dit : « Moi, à Netflix, je n’ai jamais réussi à faire bosser quelqu’un le dimanche. Vous, vous savez le faire en France. » Et il a trouvé cela fantastique.

Vincent Beaufils, pour Challenges
Source : http://www.challenges.fr/economie/20150911.CHA9280/quand-xavier-niel-lutte-contre-le-french-bashing.html

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