Chères Amies, chers Amis,

La vie, disait Sofia Gubaidulina, réduit l’homme en tant de pièces que je ne connais pas de tâche plus sérieuse que de l’aider, par la musique, à recomposer son unité spirituelle.

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Au-delà des émotions qu’elle peut faire naître en nous ou peut-être grâce à elles, la musique constitue aussi un langage universel, un langage qui se passe de mots et qui peut nous aider à dépasser incompréhensions et malentendus culturels, philosophiques, religieux et linguistiques.

C’est dire que notre association accordera une place centrale à la musique, la bonne et la mauvaise, si tant est que la musique peut être bonne ou mauvaise.

A cet égard, permettez-moi de vous livrer l’éloge que Marcel Proust a rendu à la mauvaise musique :

« Détestez la mauvaise musique, ne la méprisez pas. Comme on la joue, la chante bien plus, bien plus passionnément que la bonne, bien plus qu’elle s’est peu à peu remplie du rêve et des larmes des hommes. Qu’elle vous soit par là vénérable. Sa place, nulle dans l’histoire de l’Art, est immense dans l’histoire sentimentale des sociétés. Le respect, je ne dis pas l’amour, de la mauvaise musique, n’est pas seulement une forme de ce qu’on pourrait appeler la charité du bon goût ou son scepticisme, c’est encore la conscience de l’importance du rôle social de la musique. Combien de mélodies, du nul prix aux yeux d’un artiste, sont au nombre des confidents élus par la foule des jeunes gens romanesques et des amoureuses. Que de “bagues d’or”, de “Ah! Reste longtemps endormie”, dont les feuillets sont tournés chaque soir en tremblant par des mains justement célèbres, trempés par les plus beaux yeux du monde de larmes dont le maître le plus pur envierait le mélancolique et voluptueux tribut – confidentes ingénieuses et inspirées qui ennoblissent le chagrin et exaltent le rêve, et en échange du secret ardent qu’on leur confie donnent l’enivrante illusion de la beauté. Le peuple, la bourgeoisie, l’armée, la noblesse, comme ils ont les mêmes facteurs porteurs du deuil qui les frappe ou du bonheur qui les comble, ont les mêmes invisibles messagers d’amour, les mêmes confesseurs bien-aimés. Ce sont les mauvais musiciens. Telle fâcheuse ritournelle que toute oreille bien née et bien élevée refuse à l’instant d’écouter, a reçu le trésor de milliers d’âmes, garde le secret de milliers de vies, dont elle fut l’inspiration vivante, la consolation toujours prête… »
(Extrait de “Les plaisirs et les jours” Chapitre XIII)

Proust, à l’évidence, partageait cette belle pensée de Spinoza selon laquelle ce n’est pas parce qu’une chose est bonne qu’on l’aime, c’est parce qu’on l’aime qu’elle est bonne.

Bien amicalement.

Luc Simonet
Fondateur de Optimistes Sans Frontières